aucune idée de l’heure

mardi 29 janvier 2019, par par Sarah Baraka

Cher E.

Je sors juste de la répétition publique de Rapid Eye Movement d’Estelle Gautier. Tout se passe quasiment tout le temps dans le noir, noir complet avant l’apparition de lumières de poche et frontales, comme des points colorés dans l’espace, indistinct(s) et flottant(s). Ça me pose la question de la représentation, de ce qui se passe sur scène, ce que cela dit de la nuit. Inévitablement tout cela m’a fait pensé à toi, à ce que tu travailles en ce moment... Trois personnages habillés et encapuchonnés de noir déambulent dans un jardin ou ailleurs. Le seul indice du lieu c’est une grande serre où chacun.e entre et sort plusieurs fois. On entend le piaillement de quelques oiseaux.

J’ai l’impression d’avoir vécu une partie de la nuit dans mon siège de théâtre. Je prends conscience en sortant que dehors le soir n’est pas encore tombé, que le ciel commence juste à s’assombrir. En sortant, l’expérience de 45 minutes de nuit me reste collée au corps, quelques minutes encore. Dans un jardin ou un parc, avec des silhouettes et des bruits de voitures, des chants d’oiseaux. Des lumières et des spectres, les aller-retour des ombres devant mes yeux, aucune idée de l’heure qu’il est, un nuage de fumée au-dessus de la serre un peu fantomatique. Je n’ai rien senti de la peur, de l’errance, de la moiteur, vraiment, ou du froid. J’ai senti davantage la tiédeur des nuits d’été, pas de chien qui aboie. Des images furtives.

C’est une expérience au moins intéressante de passer 45 minutes plongé dans le noir, cela, surtout, m’a traversé : une/la manière d’inviter une spectatrice/un spectateur dans la nuit du plateau. La/une tentative de ramener au plateau un morceau de la nuit.