Il paraît que les rapid eye movement désignent...

mercredi 30 janvier 2019, par par Marie Pons

Il paraît que les rapid eye movement désignent les globes oculaires qui s’agitent sous les paupières lorsque l’on est en train de rêver. Une activité intense et infime, micro-localisée dans le temps du repos. La présentation du travail d’Estelle Gautier m’a fait pensé à l’espace d’un film, Uncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures. Dans la jungle thaïlandaise, un homme sait qu’il va mourir. Il initie un voyage à travers la forêt, un périple peuplé de fantômes aux corps translucides ou aux yeux rouges. Il y a la moiteur, l’espace de la caverne, les vivants qui sont cernés de ces présences indiscernables et pourtant bien là, il y a une inquiétante étrangeté. Le film se déroule comme de grandes plages de rêve entre lesquelles on glisse comme dans un demi-sommeil.
C’est un endroit où les vivants, les morts, l’humain, l’animal, le végétal, les rêves et la réalité s’entremêlent si finement que l’on n’est plus bien sûr de rien. Souvent, je m’endors devant les films d’Apichatpong Weerasethakul et je suis quasi sûre que c’est fait pour. Que les images, leurs superposition, le montage invitent à tout lâcher et à accepter de divaguer, errer, flotter, ne pas saisir, s’endormir doucement, se réveiller plus tard. C’est un travail qui ouvre un espace du fantasme, une possibilité pour que notre esprit vagabonde bien loin du lieu où se passent les images, écran de cinéma ou salle de spectacle.

J’ai pensé à ça parce que devant Rapid eye movement les lumières brillent dans l’épaisseur du noir puis des yeux rouges nous fixent. Trois performeurs vêtus de noir déambulent dans un espace qui devient celui d’une science-fiction (une serre mystérieuse avec rien dedans, une lumière verte qui pâlit), un espace réduit qui se transforme. Une certaine lenteur, des jeux de lumière… Pour autant il y a quelque chose qui nous laisse dehors et ne nous entraîne pas dans les profondeurs de la jungle, dans la moiteur de la forêt, aux côtés des fantômes, qui pour l’instant, nous laisse de l’autre côté.